L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA clôt la procédure d’enforcement ouverte à l’encontre de Credit Suisse concernant sa relation d’affaires avec le financier Lex Greensill et ses sociétés. La FINMA constate dans ce contexte que Credit Suisse a gravement manqué à ses obligations prudentielles en matière de gestion des risques et d’organisation adéquate et ordonne des mesures correctrices. À l’avenir, la banque devra ainsi examiner périodiquement à l’échelon de la direction les (quelque 500) relations d’affaires les plus importantes, notamment en ce qui concerne les risques de contrepartie. Elle doit par ailleurs définir les responsabilités de ses (quelque 600) collaborateurs les plus haut placés dans un document sur les responsabilités. La FINMA a en outre ouvert quatre procédures d’enforcement à l’encontre d’anciens managers de Credit Suisse.
En mars 2021, Credit Suisse a fermé à court terme quatre fonds en lien avec des sociétés du financier Lex Greensill (ci-après « Greensill »). Ces fonds avaient été distribués à des investisseurs qualifiés, leur risque étant indiqué comme faible dans la documentation destinée à la clientèle. Au moment de la fermeture, les clients avaient investi au total environ dix milliards de dollars US dans les fonds en question. Immédiatement après la fermeture des fonds en mars 2021, la FINMA a pris différentes mesures de réduction des risques et a ouvert une procédure d’enforcement. La question centrale était de savoir si Credit Suisse Group avait enfreint le droit suisse de la surveillance dans sa relation d’affaires avec Greensill.
Structure des fonds
Credit Suisse avait lancé en 2017 le premier des quatre fonds de financement des chaînes d’approvisionnement (supply chain finance funds) en collaboration avec Greensill. Dans ce type de financement, le prix d’achat d’un bien avec délai de paiement est remboursé immédiatement par une société de financement (au lieu de l’acheteur réel) avec une décote. La société de financement reçoit en contrepartie une créance vis-à-vis de l’acheteur réel. Si celui-ci paie la totalité du prix d’achat, la société de financement réalise un bénéfice. Greensill a agi en tant que société de financement, a titrisé les créances et a transféré les titres aux quatre fonds de Credit Suisse. Une couverture d’assurance spécifique devait garantir la majeure partie des créances contre une défaillance des acheteurs.
L’enquête de la FINMA a montré que la société de gestion d’actifs de Credit Suisse disposait dans l’ensemble de peu d’informations et de contrôle sur les créances concrètes. Dans les faits, l’examen et la sélection des créances n’étaient pas effectués par Credit Suisse en sa qualité de gérant d’actifs des fonds, mais par Greensill. Credit Suisse a aussi laissé le soin à Greensill de conclure la couverture d’assurance en son propre nom.
Les fonds ont également acheté d’éventuelles créances futures
Au fil du temps, le profil de risque des fonds s’est modifié de manière déci-sive. Greensill a en effet commencé à transférer aussi de futures créances aux fonds et donc les attentes d’une entreprise concernant d’éventuelles fu-tures créances. En vendant de futures créances aux fonds Credit Suisse, Greensill a financé des entreprises avec une solvabilité douteuse.
L’enquête de la FINMA a montré que Credit Suisse n’avait initialement pas réalisé la portée de ce changement. La banque n’avait de plus aucune information ni aucun contrôle sur le nombre de créances réellement dues contractuellement. Dans ce contexte, elle a fait confiance à la couverture d’assurance organisée par Greensill.
De nombreux indices critiques mais trop peu de réactions appropriées
La fermeture d’un fonds par un autre fournisseur de fonds qui collaborait aussi avec Greensill a suscité de nombreuses questions chez Credit Suisse en 2018 concernant ses fonds en relation avec Greensill. À plusieurs reprises, des journalistes ont adressé des questions et des informations critiques à la direction de Credit Suisse. La FINMA a aussi posé à plusieurs reprises des questions critiques aux comités de direction du groupe bancaire concernant les relations d’affaires avec Greensill et les risques qu’elles recelaient.
De son côté, Greensill a annoncé à la banque qu’il envisageait une introduction en bourse avec Credit Suisse. Au préalable, il avait besoin d’un crédit-relais. Le gestionnaire des risques responsable du crédit chez Credit Suisse a identifié de nombreux risques dans le modèle d’affaires de Greensill. Il a donc recommandé en interne, au sein de la banque, de ne pas accorder le crédit. Un cadre supérieur a passé outre cette recommandation.
L’enquête de la FINMA a révélé que la banque confiait le traitement des questions critiques et des mises en garde à des collaborateurs qui étaient eux-mêmes responsables de la relation d’affaires avec Greensill et qui n’étaient donc pas indépendants. À plusieurs reprises, Credit Suisse a même posé les questions à Lex Greensill lui-même pour reprendre ensuite ses réponses dans ses propres prises de position. Pour ces raisons, la banque a fourni à la FINMA des informations erronées et trop positives sur le processus de sélection des créances ainsi que sur l’exposition des fonds à certains débiteurs.
Manquements dans la gestion des risques et dans l’organisation
Dans sa procédure, la FINMA a conclu que le groupe Credit Suisse a pendant des années gravement contrevenu à son obligation prudentielle de déterminer, limiter et surveiller de manière adéquate les risques en ce qui concernait sa relation d’affaires avec Lex Greensill. La FINMA a en outre identifié de graves manquements dans l’organisation opérationnelle de la banque pour la période sous investigation. De plus, elle ne remplissait pas suffisamment ses obligations prudentielles en tant que gestionnaire d’actifs. En conclusion, la FINMA constate donc une grave violation du droit suisse de la surveillance.
Traitement interne au sein de Credit Suisse
Credit Suisse a décidé de prendre de larges mesures organisationnelles sur la base de ses propres investigations concernant l’affaire. Ainsi, les structures de gouvernance ont été revues et les processus de contrôle, renforcés, notamment pour l’approbation et la surveillance des produits de fonds. La FINMA soutient ces mesures. Parallèlement, la FINMA ordonne une série d’autres mesures visant à améliorer encore la gestion des risques et la gouvernance du groupe bancaire.
Mesures ordonnées par la FINMA
La relation d’affaires avec Greensill a été abordée à plusieurs reprises au niveau de la direction de Credit Suisse. Cela se faisait toutefois le plus souvent de manière ponctuelle à la suite d'un événement concret ou une demande. Il manquait une vision d’ensemble ainsi qu’une réflexion régulière et cohérente sur les risques liés à Greensill au plus haut niveau. La FINMA ordonne donc au groupe bancaire d’évaluer à l’avenir ses principales relations d’affaires en fonction des risques. Au niveau des membres de la direction, les relations d’affaires les plus importantes (environ 500) de la banque devront à l’avenir être examinées périodiquement dans leur ensemble, notamment en ce qui concerne les risques de contrepartie. Les domaines de responsabilité des (quelques 600) plus hauts managers de la banque doivent par ailleurs être définis dans un document sur les responsabilités. La banque doit sanctionner ces dirigeants, par exemple en diminuant la part variable de leur rémunération, s’ils n’organisent ni ne gèrent leur secteur de manière à éviter autant que possible les comportements fautifs. La FINMA nommera un chargé d’audit qui vérifiera le respect de ces mesures prudentielles.
Clarification des responsabilités individuelles
La FINMA a ouvert quatre procédures d’enforcement à l’encontre d’anciens hauts responsables de Credit Suisse. Elle ne communiquera pas davantage sur ces procédures, notamment sur l’identité des personnes concernées.
Mener une procédure à l’encontre de particuliers, un instrument à disposition de la FINMA pour faire appliquer le droitLa FINMA peut interdire à des personnes responsables de graves violations de dispositions prudentielles d’occuper une fonction dirigeante chez l’un des établissements assujettis à sa surveillance. L’interdiction peut être prononcée pour une durée de cinq ans au plus. La FINMA recourt davantage à l’interdiction d’exercer surtout depuis 2014. Elle a prononcé au total une soixantaine d’interdictions de ce genre. Étaient concernés des managers de tous les niveaux hiérarchiques. Cette mesure a un effet préventif. Elle vise surtout à éviter que les personnes concernées ou d’autres acteurs ne commettent de nouveau des infractions semblables sur les marchés financiers. En tant qu’autorité de surveillance devant avant tout éviter de futurs dommages, la FINMA a également la possibilité de renoncer à prononcer une interdiction d’exercer ou de pratiquer si les personnes quittent définitivement le secteur soumis à surveillance.
Pour prononcer une interdiction d’exercer, la FINMA doit pouvoir prouver la responsabilité directe, individuelle et causale d’une personne dans une grave violation du droit de la surveillance. Pour ce faire, il est besoin de prouver que les manquements (par exemple des omissions contraires aux obligations) ont concrètement mené à ces violations. Du point de vue de la surveillance, il ne suffit en effet pas de déduire qu’une personne est responsable d’une violation de la loi en se fondant uniquement sur sa position ou son niveau hiérarchique.
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