Bien que de nombreux établissements aient continué d’améliorer leur prévention en matière de blanchiment d’argent et identifié davantage de valeurs patrimoniales suspectes qu’ils ont ensuite signalées au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS), les risques sont restés élevés au cours de l’année sous revue pour les établissements financiers qui se consacrent à la gestion de fortune transfrontière. Les relations d’affaires avec des personnes fortunées politiquement exposées ainsi que les entreprises publiques ou proches de l’État et les fonds souverains recèlent un risque de corruption ou d’abus de confiance. Des structures complexes, en particulier en cas de recours à des sociétés de domicile, peuvent accroître le risque de blanchiment d’argent.
Ces dernières années, quelques banques de gestion de fortune ont été fortement impliquées dans des scandales connus de blanchiment d’argent portant sur des fonds issus des pays émergents. De nombreux cas d’enforcement (notamment en lien avec 1MDB, Petrobras, Odebrecht, Petróleos de Venezuela SA et la FIFA) ont été clôturés depuis et de nombreux établissements ont par la suite amélioré leur dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent. La situation en matière de risques n’a toutefois pas changé. En 2020 de nouveau, la FINMA a été confrontée à des assujettis qui ont fourni des services à la légère à des clients très fortunés des pays émergents.
La FINMA a exigé auprès de plusieurs banques actives sur le plan international l’examen critique des déclarations incomplètes que des clients ont émises sur l’origine des fonds. Elles concernent notamment des fortunes élevées provenant de pays émergents, d’héritages, d’investissement extrêmement chanceux ou de présents en espèces. Dans de tels cas de figure, les établissements ont été tenus de clarifier précisément l’origine des valeurs patrimoniales et, entre autres, d’examiner si le client pouvait être une personne prête-nom.
En 2020, la FINMA a également constaté que les banques avant tout prenaient au sérieux l’obligation d’annoncer et signalaient les relations suspectes au MROS. Certains établissements isolés étaient toutefois d’avis que les suspensions de procédure par les autorités de poursuite pénale signifiaient que la provenance des valeurs patrimoniales était légale. La FINMA a rappelé à ces établissements que le comportement des autorités de poursuite pénale ne changeait pas l’origine des valeurs patrimoniales et qu’ils devaient continuer de surveiller étroitement les soupçons émanant de ces relations d’affaires.
Lorsque le cocontractant d’un intermédiaire financier est soumis à une surveillance et à une réglementation prudentielles appropriées en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, l’intermédiaire financier n’est pas tenu de déterminer les ayants droit économiques. La réglementation part du principe que dans ce cas, l’établissement assujetti à la surveillance prudentielle remplit lui-même les obligations prévues par la loi sur le blanchiment d’argent. La FINMA a parfois constaté que certains intermédiaires financiers avaient recouru démesurément à cette supposition. Certaines banques avaient ainsi engagé des relations avec des établissements au statut de banque douteux, en provenance d’États offshore. Escroqueries présumées, délits d’initiés et évasion fiscale se cachaient à plusieurs reprises derrière les clients de tels établissements. Par la suite, les banques suisses étaient incapables de nommer l’identité des ayants droit économiques aux autorités de poursuite pénale. La FINMA a rappelé aux établissements que la surveillance prudentielle d’un intermédiaire financier étranger concret ou sa catégorie d’autorisation devait être clarifiée au cas par cas, en particulier dans les petits pays. Il ne suffit pas de se fier aveuglément à la surveillance générale en matière de blanchiment d’argent dans une juridiction étrangère. De plus, la réglementation dispense uniquement de l’identification systématique des ayants droit économiques. Pour, par exemple, clarifier des transactions comportant des risques accrus, il peut se révéler nécessaire de demander des informations sur l’ayant droit économique.
La FINMA examine les indices d’infractions à la loi sur le blanchiment d’argent (LBA), qu’ils émanent de l’établissement lui-même, d’autres autorités ou de lanceurs d’alerte. C’est la raison pour laquelle elle est en contact étroit avec des établissements exposés même en dehors des audits et des contrôles sur place. Ces dernières années, les indices fournis par les médias, notamment dans les reportages du journalisme d’investigation, se sont multipliés. Les fichiers FinCEN en sont un exemple frappant en 2020. Il s’agissait de plus de 2000 communications de soupçons internes de blanchiment d’argent provenant de l’autorité américaine contre le blanchiment d’argent, le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), qui ont été publiées suite à une fuite de données. De nombreux intermédiaires financiers ont procédé à de vastes clarifications à ce sujet, en partie de leur propre initiative, en partie sur demande de la FINMA. Les résultats ont révélé un scénario bien connu, à savoir qu’une série d’établissements entretenaient une base clientèle très risquée. Une grande partie de ces établissements a traité les risques associés conformément à la réglementation, procédé aux clarifications nécessaires et annoncé les clients suspects au MROS bien avant la publication des fichiers FinCEN. D’autres établissements doivent en revanche encore améliorer leur dispositif de compliance.
La surveillance efficace des prescriptions lors des transactions effectuées sur la blockchain constitue un nouveau défi dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Des principes de surveillance courante sont applicables ici aussi en lien avec la lutte contre le blanchiment d’argent. Il s’agit de respecter les dispositions habituelles know-your-customer et de procéder aux clarifications prescrites des transactions. En 2020, le Groupe d’action financière (GAFI) a jugé que les dispositions de la loi suisse sur le blanchiment d’argent pour les prestataires d’actifs virtuels (virtual asset service providers, VASP) étaient largement conformes.
S’agissant des règles dans le trafic des paiements, la FINMA continue d’appliquer l’approche qu’elle décrit dans sa communication sur la surveillance 02/2019 «Trafic des paiements sur la blockchain». Selon cette approche, les dispositions suisses en vigueur en ce qui concerne l’échange d’informations dans le trafic des paiements (appelées aussi travel rule) s’appliquent de manière identique au domaine de la blockchain. Tant qu’il n’y a aucune solution technique qui garantisse le respect de la travel rule, les intermédiaires financiers assujettis à la FINMA ne sont autorisés à envoyer des cryptomonnaies qu’aux portefeuilles (wallets) externes de leurs propres clients et à recevoir de tels jetons que de ceux-ci. Pour procéder aux transferts correspondants, les intermédiaires financiers doivent vérifier, par des mesures techniques appropriées, que le client dispose bien du pouvoir de disposer sur le portefeuille externe.
(Extraits du rapport annuel 2020)